Ces bêtes indésirables qui ont fait son métier
Les «animaux mal-aimés de la ville» font l’objet d’une publication commentée pour lematin.ch par un désinfestateur jurassien.
«Indésirables!?» c’est le titre d’un livre et d’une exposition au Palais de Rumine à Lausanne consacrés aux cafards, mouches, fourmis, araignées, punaises et tant d’autres animaux «mal-aimés de la ville». À Delémont, les désinfestateurs Ute et Patrick Sauvain applaudissent la démarche des Presses polytechniques et universitaires romandes.
«Tout est bien expliqué: c’est un bon bouquin pour ceux qui ont peur», sourient les désinfestateurs jurassiens. Selon eux, les dégâts causés par les insectes et les rongeurs indésirables ne sont pas seulement matériels: «Une invasion peut provoquer une grande détresse psychologique», remarquent-ils.
Environnement artificiel
Les animaux urbains dérangeants provoquent un mouvement de recul. L’objectif d’«Indésirables!?» c’est d’aider à se familiariser avec des bestioles capables de s’adapter à l’environnement artificiel des villes. Le regard porté est celui des habitants, des animaux et de ceux qui luttent contre leur prolifération.
«Les animaux mal aimés questionnent la nature de la ville comme écosystème et milieu de vie où s’épanouit une faune sauvage qui échappe en grande partie au contrôle», est-il indiqué. Destinée au grand public, l’exposition «Indésirables!?» est le fruit d’une collaboration entre l’Institut de géographie et de durabilité de l’Université de Lausanne et le Musée cantonal de zoologie.
Celles qui nous embêtent
Au Palais de Rumine et en ville de Lausanne, des ateliers intitulés «les petites bêtes qui nous embêtent» s’adressent aux personnes phobiques. Le projet participatif «Portrait sans (ca)fard» invite le public et les écoles à raconter sous diverses formes une rencontre avec un animal importun.
Les squatteurs sont partout, nichés dans les plinthes, les matelas ou les canalisations. À domicile, les désinfestateurs ne sont pas épargnés: «Un rat nous a mangé l’escalier extérieur», glissent les Sauvain. Le truc pour répertorier les trous de souris, c’est de propulser de la fumée comme à la disco!
Queues de souris
Une fois le rat délogé, la compagnie d’assurances a posé un dilemme à Patrick Sauvain: «L’expert en sinistres voulait l’avis d’un expert en… indésirables! Du coup, j’ai appelé ma collègue d’Yverdon», rigole celui qui a fait ses gammes dans son enfance en ramenant des queues de souris qui rapportaient un franc. «Un cousin qui vivait à la ferme en attrapait des quantités en posant des trappes», confie le désinfestateur.
«Ce métier, c’est presque une vocation», glisse Patrick Sauvain. Sa profession, il la définit en deux mots; chasse et observation. Son épouse et collaboratrice n’est pas en reste, elle qui avoue s’être battue avec un rat pour un paquet de biscuits.
Nid d’hirondelles
Des précautions, il faut en prendre pour protéger les espèces bienvenues: «On renonce à un traitement contre les mouches s’il y a un nid d’hirondelles», disent Ute et Patrick Sauvain. Éradiquer des fourmis, ça ne se fait pas: «Au jardin, elles sont chez elles, et dans la maison, elles ne sont pas nuisibles».
Pour justifier une intervention, un insecte ou un rongeur doit représenter un danger pour l’humain. L’année écoulée a été marquée par une invasion de termites et une abondance de pigeons. Patrick Sauvain s’énerve contre ceux qui lancent du pain et du riz dans les villes.
À Delémont, tandis que la canicule a favorisé l’éclosion tardive des mouches, le chantier du Théâtre du Jura a poussé les rats dans les canalisations. «Il en faut pour nettoyer les égouts, mais pas trop…», commente Patrick Sauvain.
Terre de diatomée
Pour les punaises de lit qui ne résistent pas à deux lavages à 60°, les professionnels ont mieux qu’un sèche-cheveux à passer dans la literie: équipés d’un aspirateur, ils exterminent la punaise avec une vapeur à 180° et une terre de diatomée qui la dessèche.
Des cafards, Patrick Sauvain affirme qu’on en trouve dans des 5 étoiles «où on pourrait manger par terre»: «Ce n’est pas la saleté qui attire le cafard, mais la chaleur et l’humidité», dit-il, en précisant que ces indésirables ne posent aucun problème d’hygiène et ne montent dans les étages que s’ils sont trop nombreux en sous-sol.
DDT interdit
Contre les poux, Patrick Sauvain salue l’apparition des shampooings qui ont remplacé l’insecticide DDT, interdit depuis 1972 en raison de sa nocivité… Confirmation à la page 120 d’«Indésirables!?» avec une photo: «Regardez: ils pulvérisaient du DDT depuis un camion sur une plage proche de New York!»
«Avec tous les produits disponibles, il s‘agit de bien cibler l’envahisseur sans nuire à d’autres espèces. On ne combat pas le cafard et la punaise avec le même produit», indique le désinfestateur de Delémont. Les produits d’aujourd’hui sont moins nocifs pour l’homme et son environnement.
«Indésirable!?» de Joëlle Salomon Cavin, Éditions 41
Par Vincent Donzé